«Si on veut sortir, on sortira» : pourquoi ils résistent au confinement «à la française»
Chacun a de bonnes raisons de ne pas vouloir une nouvelle mise sous cloche du pays. Paroles de contestataires croisés ce samedi dans la plus grande gare d’Europe, à Paris.

A 65 ans, Martine, agent d'entretien à la retraite, n'a pas l'intention de commencer une carrière de frondeuse. Pour autant, cette habitante des Hauts-de-Seine, qui d'ordinaire respecte la loi à la lettre, est prête à braver les interdits si l'Hexagone venait à être reconfiné. « Je tricherai! Parce que moi, je veux voir mes petits-enfants à Soissons. J'en ai trois, bientôt quatre. Ils me réclament. Au téléphone, ce n'est pas pareil », défend la sexagénaire à l'écharpe rouge croisée ce samedi après-midi en gare du Nord, à Paris, la plus grande d'Europe.
Ici, au cœur de cette France miniature où défilent, au pas de charge, les citoyens masqués de banlieue, de province et de la capitale, il est simple comme bonjour de rencontrer des réfractaires à la mise sous cloche du pays.
Les enjeux de santé publique, la peur de contracter ou transmettre le virus, ne sont quasiment jamais évoqués. « Lors du premier confinement, c'était tout nouveau, on découvrait, on acceptait d'être coincés à la maison à regarder la télé. Mais aujourd'hui, il y a un ras-le-bol de chez ras-le-bol. Je ne comprends pas les mesures du gouvernement. Quand on prend le RER B, on est serrés comme des sardines! Et Macron, Castex, vous croyez qu'ils vont se reconfiner, eux, qu'ils auront des attestations? Ils sont toujours à droite à gauche en voyage », râle Martine.

Pour Bastien, 17 ans, lycéen dans l'Oise venu s'offrir, avec sa bande de copains, une virée parisienne de shopping, « un reconfinement, ça ne changera rien » : « Je continuerai à voir mes potes, chez moi ou chez eux. Là, en ce moment avec le couvre-feu, on désobéit tous les soirs. On se rejoint à vélo, parfois à 22 heures. Je n'ai jamais été arrêté. Même mes parents reçoivent des amis. Le boulot-dodo, ce n'est pas vivable », constate cet adolescent qui réside à la campagne.
Il ne croit pas aux effets salvateurs d'un « confinement à la française ». « Si on en fait un, c'est un vrai, à la chinoise, on ferme tout, sinon ça ne sert à rien. Là, il y en aura encore dix autres après… » pronostique-t-il. « Eh puis, chacun gère sa santé comme il veut », enchaîne l'un de ses amis.
Des «dérogations bidon» pour aller voir son amoureuse en Auvergne
Manu, gardien d'immeuble la semaine à Paris qui retrouve sa famille le week-end dans le Nord, promet, lui aussi, de ne pas se plier aux règles de reconfinement. Il se déplacera « même sans autorisation ». Quitte à prendre des amendes. « De toute façon, on est juste bon à payer en France, j'en ai marre! » s'indigne ce quinquagénaire « prêt à manifester et aller voir Monsieur Macron » s'il le faut. « Cette fois, il a réfléchi avant de trancher. S'il n'a pas reconfiné tout de suite, c'est qu'il a vu ce qu'il se passait aux Pays-Bas, avec les émeutes anticonfinement », poursuit-il entre deux bouchées de sandwich au poulet.

Bruno, 58 ans, ne s'opposera pas frontalement à de nouvelles restrictions. Mais s'il ne peut plus foncer en fin de semaine vers sa compagne en Auvergne, ce Parisien n'hésitera pas à opter pour « les dérogations bidon ». « Je n'ai pas envie de perdre en liberté et d'être enfermé un mois dans 25 mètres carrés », avance ce formateur, estimant que « le couvre-feu et le respect des gestes barrière, c'est déjà pas mal ».
«Castex a reculé pour mieux sauter»
« Le confinement n'a pas fonctionné deux fois. Pourquoi ça marcherait la troisième? » s'interroge, de son côté, Sabrina, 36 ans, agent SNCF. « Si on veut sortir, on sortira, on arrive toujours à se débrouiller », sourit cette Francilienne qui n'a absolument « pas le profil de la rebelle ». Même si elle le regrette, elle est convaincue que « le reconfinement sera vite remis sur la table ». « Castex a reculé pour mieux sauter », résume-t-elle.

Adji, 27 ans, qui « travaille dans la mode et le cinéma », a soufflé quand elle a appris, vendredi soir, que cette option était écartée dans l'immédiat. « J'avais peur qu'on ferme les écoles », redoute cette maman d'une petite en CP, domiciliée en Seine-Saint-Denis. « Si on est reconfinés, je serai obligée de la garder à la maison et de lui faire cours. Mais je ne suis pas très pédagogue et patiente », concède-t-elle.
![Paule, coiffeuse, «remercie le Seigneur de terminer [sa] journée sans douleur ni reconfinement.»/LP/Olivier Arandel](/resizer/Oe5QD86oEqOlcYuyPeUzZs1XaPM=/1280x852/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/leparisien/DUNCUPB4C45TOPS6QC4HKQEGDU.jpg)
Paule, qui tient un salon de coiffure dans le quartier, a également été soulagée par les dernières annonces du locataire de Matignon. « J'implore les cieux quotidiennement et je remercie le Seigneur de terminer ma journée sans douleur ni reconfinement », loue cette joviale Antillaise qui coupe les cheveux depuis un demi-siècle.
La perspective d'une troisième fermeture de son établissement l'inquiète. « Je ne mérite pas ça, on n'est pas serrés dans mon salon. Et je serai fatiguée à ne rien faire à la maison! » prévient-elle. Mais cette commerçante ne passera pas outre les consignes venues d'en-haut. « Je ne les accepte pas mais je suis obéissante… »