A Saint-Denis, le maire PS arme la police municipale et fracture encore plus la gauche
Un conseil municipal extraordinaire était consacré jeudi soir, à la sécurité. Le PS, majoritaire depuis juin, et son opposition de gauche se sont affrontés avec en toile de fond, la question de répartition de compétences et de missions entre l’Etat et la ville.

« Un 9 mm pour s'opposer aux vendeurs à la sauvette ? Pour endiguer les dépôts sauvages ? Ce n'est pas sérieux ! » A l'image de Sophie Rigard (Place publique), les opposants ont parfois manié l'ironie jeudi soir, pour critiquer la volonté de Mathieu Hanotin, le nouveau maire socialiste de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) d'armer la police municipale.
La troisième plus grande ville d'Ile-de-France (111 000 habitants) a consacré un conseil municipal extraordinaire à la sécurité. Ce que Mathieu Hanotin présente comme une rupture avec la politique de la précédente municipalité communiste, est vécu à gauche comme une fracture.

Pour s'en rendre compte, il suffit d'écouter les interventions émanant des différents partis du groupe d'opposition emmené par Laurent Russier (PCF), maire sortant battu au 2e tour par son adversaire socialiste, élu avec 59 % des voix.
Le cœur des échanges a porté sur l'évolution des missions de la police municipale et les moyens pour y parvenir. Dans la salle du conseil, la sous-préfète et le commissaire de Saint-Denis assistent aux débats, alors qu'à l'extérieur de la mairie, des militants et des habitants se sont rassemblés contre les orientations de la nouvelle équipe. « Je ne veux pas que la police municipale fasse du maintien de l'ordre », redoute Mehdi Ourezefi, un des manifestants.
Création d'une brigade cynophile
Equipement en armes à feu (catégorie B), recrutement de 27 agents supplémentaires, allongement des horaires de travail jusqu'à 2 heures du matin, création d'une brigade cynophile, d'un centre de supervision urbain pour la vidéosurveillance… Toutes ces propositions concernant la police municipale ont été votées, mais c'est bien la question de l'armement qui a cristallisé les positions.

« J'ai le sentiment que vous allez remplacer la police nationale », met en garde de son côté Kader Chibane (EELV). « Vous accompagnez le désengagement de l'Etat », appuie Laurent Russier. Volontairement, Sophie Rigard ramène le débat sur des missions qui relèvent selon elle davantage de la ville : « Que proposez-vous concrètement contre les feux rouges grillés par les automobilistes, les sens interdits remontés à pleine vitesse, les stationnements sur les pistes cyclables, les attroupements de personnes alcoolisées jusqu'à pas d'heure ? », tance-t-elle.

« Les élus d'opposition pensent que seul l'Etat doit avoir le monopole de la violence légitime, estime Mathieu Hanotin. Nous avons une vraie différence de fond sur ce sujet, je pense que la municipalité en tant qu'autorité de la puissance publique doit assumer une part dans le contrôle de la violence légitime. »

Le maire cite alors le cas du jeune homme de 18 ans, tué par balle en juin, cité Stalingrad, mort en héros selon les témoins, alors qu'il s'interposait dans une rixe au motif futile. « Madame Rigard, je vous le demande, lance solennellement Mathieu Hanotin à son opposante : si vous étiez maire et que votre police municipale s'était retrouvée à cet endroit-là, est-ce que vous auriez souhaité qu'elle puisse intervenir pour sauver la vie de cet innocent ou tout simplement qu'elle dise : je ne suis pas armée, je ne peux pas intervenir? » Le maire ayant clôturé le débat sur l'armement de la PM, elle n'aura pas, malgré ses demandes, l'occasion de répondre. La délibération est adoptée malgré les huit votes contre de l'opposition.

Le rôle de la nouvelle brigade cynophile est aussi contesté. Annoncée pendant la campagne pour participer à la lutte anti-drogue, elle sera pour l'heure affectée à des missions de surveillance, dans l'attente de « convention de partenariat » et de « patrouilles communes entre les police municipale et nationale » contre le trafic de stupéfiants, assure Mathieu Hanotin.
«Sur quels budgets seront prélevés ces investissements ?»
Arguments contre arguments, témoignages personnels contre évocations de terribles drames qui ont touché Saint-Denis, questions éthiques contre réalités du terrain, enjeux financiers contre données statistiques, les deux camps ont livré un débat loin d'être « sans trouble, ni inquiétude ». Deux notions à l'origine du mot sécurité, comme l'a d'ailleurs rappelé en préambule Mathieu Hanotin.
« Ce modèle de ville répressive que dessine votre rapport, M. le maire ne fait pas songer à la ville sereine, apaisée et équilibrée que vous nous suggérez dans votre programme », regrette Zaïa Boughilas, opposante EELV qui s'interroge aussi sur les moyens. « Sur quels budgets seront prélevés ces investissements ? Ceux attribués aux écoles ? Ceux attribués aux services sociaux ? Allez-vous, M. le maire, lever l'impôt au cours du mandat afin d'en assurer le financement ? » La réponse sera apportée au prochain conseil, en octobre.