Jacques Chirac, le conquérant : du «jeune loup» de Pompidou à l’Elysée
Véritable bête politique, avec de nombreux succès électoraux, jusqu’à la fonction ultime, Jacques Chirac, mort ce jeudi à 86 ans, s’est fait de nombreux ennemis. À qui il n’a fait aucun cadeau.

Avec sa clope au bec, sa haute stature et son sourire carnassier, Jacques Chirac, décédé ce jeudi à 86 ans, avait « une allure d'acteur américain », se souvient l'écrivain corrézien Denis Tillinac, l'ami de toujours. Nous sommes en 1967, aux élections législatives : ce grand escogriffe fait partie de la meute de jeunes loups envoyés par le Premier ministre du général de Gaulle, Georges Pompidou, à la conquête de « circos » solidement ancrées à gauche, bastions a priori imprenables.
Le vrai baptême du feu électoral pour l'ancien lieutenant de spahis pendant la guerre d'Algérie, l'énarque qui n'a encore pour tout bagage qu'un mandat de conseiller municipal à Sainte-Féréole (Corrèze), le fief familial côté maternel.
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Partout, ce « Parisien pas comme les autres », comme disent les gens du coin, distribue poignées de main et tapes dans le dos, claque la bise aux mamies et aux enfants, ne dit jamais non à une pinte de bière ou une assiette de charcutaille. Ogre bourré d'énergie, il épuise les maigres troupes qui l'accompagnent.
Il occupera tous les postes
Un dimanche soir de mars 1967, le voilà élu député, battant de quelque 500 voix le communiste du cru et après avoir humilié, au passage, un frère de François Mitterrand, Robert, candidat socialiste. C'est le début d'une insatiable conquête qui le verra occuper à peu près tous les mandats et tous les postes que la République peut offrir à qui, comme lui, vit, pense et rêve politique à toute heure du jour et de la nuit.
Sous l'aile protectrice de son mentor Pompidou, auquel il vouera une indéfectible fidélité – qu'il reportera après son décès prématuré, à l'Élysée, sur sa veuve, Claude –, Chirac, avec son allant et sa capacité à se démultiplier, grimpe les échelons. En mai 1968, quand le pouvoir gaulliste vacille devant la contestation, c'est lui qu'on envoie négocier les accords de Grenelle avec la redoutable CGT. Le bouillant secrétaire d'État a sur lui, caché dans sa poche, un pistolet. « Au cas où ils auraient songé à prendre en otage un membre du gouvernement », racontera-t-il plus tard en rigolant.
Pacte de trahison
Élu président de la République en 1969, après la démission du Général, Georges Pompidou n'oublie pas son poulain. Il le nomme bientôt ministre des Relations avec le Parlement, poste stratégique pour tisser son réseau au sein de la droite gaulliste, puis à l'Agriculture, ministère taillé à sa voracité.

Lorsque le président meurt, d'une rare maladie du sang, avant d'avoir achevé son septennat, les choses se précipitent. Chirac, qui ne croit pas aux chances du baron gaulliste Jacques Chaban-Delmas, héros de la Résistance ayant selon lui fait son temps, choisit de se ranger, dans la course à la présidentielle de 1974, derrière l'ambitieux chef centriste Valéry Giscard d'Estaing. Bousculant ses pairs et le parti, Jacques Chirac emmène avec lui 43 députés gaullistes.
Ce pacte de trahison, qui permettra à Giscard de se faire élire de justesse face au socialiste Mitterrand, mènera le jeune quadra Chirac à Matignon. Mais ce dernier vise déjà plus haut, beaucoup plus haut. Entre un Giscard aux prétentions aristocratiques et à l'intelligence raffinée, libéral pro-européen convaincu, et un Chirac hussard impétueux, gaulliste social mâtiné de nationalisme, l'atmosphère est électrique. Entre l'Élysée et Matignon, la hache de guerre va vite être déterrée.

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